« Le billet du Neurologue » par Dr Bernard Croisile – N°2

Le Carré d’As du bien être cognitif

Peut-on acquérir la jeunesse éternelle ? Non, bien sûr, mais il existe néanmoins une sorte de Fontaine de Jouvence qui permettrait de conserver longtemps le bénéfice d’un corps sain et d’une pensée efficace.

De nombreuses données scientifiques ont calculé que la moitié des cas de démences et de maladie d’Alzheimer s’expliquerait par la présence de 7 facteurs de risque : un faible niveau d’instruction, le tabagisme, l’inactivité physique, la dépression, l’hypertension artérielle de milieu de vie, le diabète, et enfin l’obésité de milieu de vie. À partir de ces facteurs de risque, il est possible de définir des attitudes préventives que je regroupe sous le terme de Carré d’As de la prévention.

L’objectif de trois éléments du Carré d’As est tout d’abord de protéger les neurones et les vaisseaux :

  • grâce au régime méditerranéen (fruits, légumes, poissons et huiles riches en omega-3) dont les éléments antioxydants apportent des substances qui protègent les neurones,
  • grâce à la prévention et au traitement des facteurs de risque cardio-vasculaires,
  • par la pratique d’une activité physique régulière qui augmente la perfusion cérébrale et active la formation de nouveaux vaisseaux. L’activité physique a un effet bénéfique sur le stress et le sommeil, ainsi que sur les troubles cognitifs du vieillissement en renforçant l’attention et la vitesse cognitive.

À ces trois comportements déjà conseillés par les cardiologues depuis longtemps, les neurologues rajoutent un 4e conseil, celui de stimuler en permanence ses neurones au moyen d’un style de vie cognitivement stimulant. Ceci passe par la réalisation de loisirs multiples dont le but est de stimuler l’ensemble des fonctions cognitives. Il ne s’agit pas d’apprendre des poésies toute la journée, mais de combiner différentes activités : jardiner, peindre, bricoler, visiter des musées, faire de la musique, du sport ou des puzzles. Des activités parfois considérées par les chercheurs comme plus passives (télévision, radio, cinéma et spectacles, réunions ou conférences) ont l’avantage de favoriser l’accès à des savoirs nouveaux et de renforcer les liens sociaux. Même les jeux de cartes, les mots-croisés ou les sudoku sont utiles car ils évitent la sédentarité cognitive. Bien sûr, aucune étude ne démontrera leur intérêt préventif isolément, car comme pour le sport (aucune étude n’a montré l’intérêt du tennis !), le point crucial est de remplir l’inactivité intellectuelle par différents loisirs stimulants, car comme pour le sport, c’est à chacun de choisir ce qui lui convient pour ne pas se laisser envahir par la sédentarité. Quant aux jeux sur ordinateurs d’HAPPYneuron, ils ont l’avantage de proposer des exercices multiples, dans différents domaines, stimulant différentes facettes cognitives, selon une progression valorisante et encourageante. Là aussi, ils permettent à tout un chacun de ne pas se laisser envahir par la sédentarité mentale.

Ces éléments du Carré d’As ont une action bénéfique sur différentes structures cérébrales impliquées dans la cognition. Et ça marche ! Les données les plus récentes confirment en effet une diminution du risque de développer une démence ou une maladie d’Alzheimer dans certains pays : les États-Unis, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni où en 20 ans, le risque de démence aurait diminué de 24 %. Une population en bonne santé comporte moins de patients avec une démence.

C’est ainsi qu’au conseil bien connu des cardiologues « Mangez bien, bougez beaucoup », les neurologues rajoutent « Pensez bien et beaucoup ! » Bien sûr, ces mesures préventives n’empêchent pas le développement des lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer, elles n’empêcheront pas sa survenue, mais les signes cliniques seront retardés de quelques années. Ce n’est pas si mal, car tout le monde sera d’accord : quitte à avoir un Alzheimer, il vaut mieux que ce soit à 85 ans qu’à 80 ans, à 95 ans qu’à 90 ans…

Pour en savoir plus : Bernard Croisile. « Alzheimer : que savoir, que craindre, qu’espérer ? » – Éditions Odile Jacob (2014).

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